Le marché de la logistique du froid pharmaceutique devrait voir sa valeur augmenter de 70 % d'ici 2025 selon les Echos Etudes (source : « La logistique du froid pharmaceutique », 2021). © Eurotranspharma

Dossier

› Transition Énergétique

Croissance sur fond de RSE

Les professionnels de la logistique pharmaceutique évoluent au rythme des crises venues influencer leurs méthodes et leur stratégie de développement. Soucieux de répondre aux besoins croissants de transport et de stockage sous température dirigée, ils se doivent également de travailler à la sobriété énergétique de leurs activités.

Sur l’ensemble de la chaîne logistique du médicament, le secteur du « froid pharmaceutique » représente 20 %, selon une étude réalisée par Les Echos (Source: La logistique du froid pharmaceutique, les Echos études, édition 2021). Le rapport estime le marché à plus de 690 millions d’euros en 2020 et prévoit son augmentation en valeur de plus de 70 % d’ici 2025, tirée en majeure partie par le stockage et le transport. De manière générale, la logistique du froid pharmaceutique se porte bien et les acteurs qui la composent sont là pour en témoigner. Le prestataire Rhenus Logistics, chez qui le pôle pharma représente un cinquième de l’activité, a ainsi enregistré une croissance à deux chiffres durant la période Covid et « poursuit sur sa lancée », spécifie Patrice Kaps, directeur RSE et pharma chez Rhenus Logistics France. Chez le transporteur spécialiste de la distribution du dernier kilomètre des produits de santé en température dirigée, Eurotranspharma, la filiale hexagonale a terminé l’année 2022 avec 148 millions d’euros de chiffre d’affaires, « soit une croissance de 23 % par rapport à 2021 », indique Benoit Latteur, CEO d’Eurotranspharma France. De son côté le prestataire transport et logistique Geodis s’appuie actuellement sur une activité Healthcare en augmentation de 30 à 35 %, à la fois poussée par « la croissance organique liée aux volumes et aux taux de fret et complétée par une croissance externe soutenue », détaille David Frouin, vice president vertical market healthcare chez Geodis.

Une augmentation des besoins en température dirigée

Cette bonne santé n’empêche pas les professionnels du secteur de répondre à de nombreux défis, dévoilés à l’aune de la crise sanitaire. Ils ont mis en évidence la nécessaire capacité de résilience des chaînes d’approvisionnement via une logistique optimisée des flux d’expédition et une finesse accrue de la traçabilité. Une réalité vivace pour le groupe de transport Sterne, qui livre toujours aujourd’hui, via son entité Sterne Care, l’intégralité des vaccins Pfizer et Moderna sur plus de 76 plateformes dans le sud de la France : « Cette activité, qui diminue en termes de vaccins livrés mais pas en quantité de sites, requiert une parfaire maîtrise de la gestion de la température ainsi qu’une restitution de ces données essentielles », indique Franck Garnier, directeur de la business unit. Alors que Sterne Care représentait 5 % de l’activité du groupe il y a trois ans, sa part s’élève aujourd’hui à 18 %, à l’image d’une filière en développement, avec une augmentation de ses besoins en température dirigée : « Depuis trois, quatre ans, nous avons observé un accroissement de livraisons en température régulée quasiment sur l’ensemble des médicaments transportés en France et dans le monde. Certains d’entre eux, qui n’avaient jusqu’alors aucune obligation de température, sont désormais transportés de manière contrôlée dans des plages situées entre 15°C et 25°C », poursuit Franck Garnier. Même constat d’un marché sous température dirigée en croissance chez Geodis : « Notre priorité consiste à augmenter nos capacités de stockage en température 2°C-8°C avec l’ouverture d’une chambre froide d’une capacité de plus de 5 000 palettes sur notre campus de Val-de-Reuil (27), prévu pour octobre 2023, dans le but de répondre à des capacités de stockage des médicaments plus techniques que sont les biotechs et les vaccins », illustre David Frouin (Geodis).

La décarbonation du transport, enjeu majeur

Après l’épidémie de covid-19, les répercussions de la crise énergétique sont venues directement influencer les pratiques de développement durable des entreprises du secteur, jusqu’ici un peu à la traîne : « L’augmentation du coût de l’électricité a été un élément prédominant. Cela nous a amenés à nous focaliser sur l’efficacité énergétique de l’ensemble de nos équipements, indique Patrice Kaps (Rhenus). Les industriels se sont préoccupés de cette question plus tôt notamment à cause de la pression publique qui s’est faite de manière plus précoce par rapport au monde de la pharma jusque-là davantage axé sur le service rendu et le soin au patient ». Travailler à la durabilité de ses activités constitue ainsi le principal défi de la supply chain pharmaceutique, « tout simplement parce qu’elle est très réglementée, très contrainte, peu optimisée, et très fragmentée au regard de ses flux de production », observe David Frouin. Dans ce cadre, la problématique de décarbonation du transport est devenue un enjeu majeur : « Lorsque l’on change d’énergie, on a actuellement trois alternatives : le méthane comprimé (CH4), le biodiesel ou HVO, l’électricité », décrit Benoit Latteur (Eurotransphrama France). Pourtant, si l’entreprise a d’ores et déjà acté une conversion complète de sa flotte dans son plan RSE, elle observe les différents écueils que doit affronter la profession : « Nous sommes limités par les choix technologiques mais aussi les offres des constructeurs. Ces derniers voguant sur une demande accrue pour ces véhicules, en profitent pour rectifier leurs marges à la hausse et les prix sont rédhibitoires ». À l’heure de la transition énergétique du secteur, certains questionnements font également jour : faut-il continuer à opérer le transport de flux sous température dirigée pour certains produits pharmaceutiques qui ne le nécessitent pas forcément ? (voir interview). C’est dans cette veine que se situe l’offre du transporteur généraliste Heppner, dont la marketline Santé représente environ 15 % du chiffre d’affaires et jusqu’à 20 % des volumes en messagerie, (avec un tiers dédié à la pharma, un tiers aux dispositifs médicaux et un tiers à la beauté). En effet, si l’entreprise propose également des prestations de lots directs sous température dirigée, elle a vu son activité se développer en messagerie où elle mise sur une offre de température monitorée : « En France, on voyage beaucoup la nuit durant des périodes où les températures ne sont pas en dehors des ranges acceptés par les BPD. Notre parti-pris, c’est de considérer que dans la santé, il y a de nombreux produits qui ne nécessitent pas de se situer dans la plage des 15°C-25°C. L’offre monitorée, pour beaucoup de produits offre donc une forme de simplicité tout en réduisant l’effet de serre lié à la climatisation », détaille Michaël Motte, directeur de la marketline Health & Beauty chez Heppner.

Charlotte Cousin

« L’augmentation du coût de l’électricité nous a amenés à nous focaliser sur l’efficacité énergétique de l’ensemble de nos équipements. »

Patrice Kaps,
directeur RSE et pharma
chez Rhenus Logistics France.

« Notre priorité consiste à augmenter nos capacités de stockage en température 2°C – 8°C. »

David Frouin,
vice-président vertical Market Healthcare chez Geodis

« Nous avons observé un accroissement de livraisons en température régulée quasiment sur l’ensemble des médicaments transportés en France et dans le monde. »Franck Garnier,

directeur de la Business Unit Sterne Care (Groupe Sterne)

« Dans le plan de conversion de notre flotte, nous sommes limités par les choix technologiques mais aussi par les offres des constructeurs. »Benoît Latteur,

CEO d’Eurotranspharma France

« Notre parti-pris, c’est de considérer que dans la santé, il y a de nombreux produits qui ne nécessitent pas de se situer dans la plage des 15° C – 25° C. »Michaël Motte,

Directeur de la Marketline Heatth & Beauty chez Heppner