Chargeurs
« Si l’on veut décarboner, il faut le faire sur l’ensemble de la chaîne »
Nommé récemment au poste de délégué au développement durable à l’AUTF, association des utilisateurs de transport de fret, Yann Viguié revient sur ses principales mission au sein de l’organisation des chargeurs où il sera notamment en charge du dispositif Fret21 et du programme Remove pour le report modal.
Quelles sont aujourd'hui vos missions en tant que délégué au développement durable à l'AUTF ?
Elle est de nous permettre de nous développer notamment auprès des ETI qui ont des problématiques transport et qui sont, comme tout un chacun, concernées par la décarbonation avec les enjeux importants de réduction des émissions de l'UE d'au moins 55 % d'ici à 2030 et une décarbonation complète à l'horizon 2050. A ce titre-là, je dirige à l'AUTF une équipe de quatre chargés de mission de transition énergétique, avec deux ou trois recrutements en cours prévus pour étoffer l'équipe, afin d'accompagner les chargeurs dans le dispositif Fret 21. Aujourd'hui, les gros acteurs du CAC 40 sont déjà dans le dispositif mais beaucoup de chargeurs n'y figurent pas. Il y a un grand potentiel avec les milliers d'ETI existantes... Ce sont des entreprises intéressantes que l'AUTF n'avait pas prises au départ pour cœur de cible.
Vous êtes également en charge de piloter le projet Remove, dont l’AUTF est porteur-associé...
Tout à fait, il s'agit d'un nouveau programme CEE (Certificats d'économies d'énergie) visant à accélérer le report modal. Signé l'année dernière, il va démarrer à partir du 2 janvier 2024. Il faut valoriser chaque mode, notamment ceux alternatifs à la route, pour inciter le recours aux transports plus vertueux. C'est une aberration quand il n'y a pas d'impératifs ou de délais de livraison courts, de ne pas aller plus avant dans d'autres modes de transport. Il existe néanmoins aujourd'hui des freins au report modal. notre rôle est donc, sur chaque liaison, trafic, d'accompagner les entreprises pour les inciter à tester d'autres alternatives comme l'ont déjà fait des entreprises comme Franprix ou encore Ikea avec la voie fluviale.
Vous êtes passé du monde des transporteurs à celui des chargeurs, percevez-vous une différence d'imprégnation et de sensibilisation à la question de la transition énergétique ?
Oui je les perçois assez différemment. Pour les grosses entreprises, notamment les chargeurs et les donneurs d'ordres, l'approche RSE fait partie des objectifs d'entreprise et la plupart d'entre elles réalisent des reportings en matière de responsabilité environnementale. Elles comprennent donc bien les problématiques et sont prêtes à s'engager alors que les transporteurs, notamment les PME, ont souvent des marges très faibles et éprouvent donc des difficultés à s'engager dans la transition énergétique, si ce n'est pas une exigence forte de leurs clients et de leurs chargeurs, compte tenu des surcoûts d'achat des véhicules et des difficultés économiques des entreprises aujourd'hui. L'une de mes missions consiste justement à permettre ce dialogue entre transporteurs et chargeurs, ces derniers souhaitant de leur côté une relation pérenne et durable avec les transporteurs.
La question de la logistique urbaine s'avère un enjeu central, notamment chez les acteurs du froid, actuellement et à l'approche des Jeux olympiques de Paris en 2024. Cela va-t-il faire l'objet d'une action spécifique à l'AUTF ?
Il un peu prématuré d'en parler mais il y a des appels à projets qui sont en cours et sur lesquels nous avons postulé. Aujourd'hui l'AUTF n'est pas mauvaise dans la massification des flux. Mais après s'être occupé de transition énergétique dans la logistique amont, notamment avec le report modal –voie d'eau, ferroviaire, etc.– une case reste manquante aujourd'hui, celle de la logistique aval et du dernier kilomètre. Or si l'on veut décarboner, il faut le faire sur l'ensemble de la chaîne, de l'approvisionnement amont jusqu'au client final. Nous commençons notamment à discuter avec la fédération professionnelle de la cyclo-logistique pour être un peu plus apporteurs de solutions dans le domaine. Lorsque nous aurons entériné nos actions sur la livraison urbaine, nous devrions être plus « acteurs » dans le domaine du froid également. La distribution urbaine ne constitue pas l'axe historique d'activité de l'AUTF mais c'est une raison de mon arrivée au sein de l'association avec cette création de poste, afin d'accompagner les entreprises sur tous les maillons de la chaîne logistique. D'autant que nous comptons chez nos adhérents en compte propre une surreprésentation d'acteur dans la distribution urbaine, la grande distance étant souvent laissée aux transporteurs.
Charlotte Cousin
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